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LETTRES INÉDITES. 395

à peine me consoler par Tespoir d*êlre plus heureux une autre fois.

Voilà, ma très-chère tante, fidèlement mon aventure, où vous voyez que je n’ai point été deux fois à la porte de votre ville, et que, Tunique fois que j’en suis approché, Ton m’a empêché d y entrer. Assurément, vous n’aurez jamais dû croire que je fusse capable d’y passer sans vous voir.

J’apprends avec douleur combien , dans votre âge avancé, vous avez d’épreuves à soutenir et de fatigues à supporter, surtout par les soins qu’exige l’état de M. Gonceru, et que vous prenez sans relâche avec le courage la plus édifiant, tandis que vous auriez si grand besoin vous-même qu’on pritles mêmes soins auprès de vous. C’est un devoir, ma très-chère tante, dont je ferais l’honneur de ma vie, si je pouvais être à portée de le remplir ; mais la main du Seigneur, qui vous éprouve, ne me laisse pas non plus sans tribulations. Dans vos peines, vous jouissez du moins de la paix : mais moi, personne ne me la laisse ; sans avoir jamais provoqué qui que ce soit, je vois tout le monde acharné à me tourmenter, et Ion me fait encore un crime de me dé- fendre de l’injustice et de l’oppression. — Toutefois j’es- père que la même main qui m’envoie l’affliction continuera de me donner la force de la supporter. Je suis actuellement livré pour surcroit aux attaques de ma maladie, qui ne me laisse aucune relâche Jurant les hivers, et il y a main- tenant trois mois que je ne suis sorti de ma chambre.

Quant à la situation de ma fortune, je présume qu’elle vous est assez connue pour juger qu’elle me laisse peu de ressource au delà du nécessaire. Cependant, ma très-chère faute, si je pouvais penser que quelque petit retranchement