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PENSÉES DÉTACHÉES.

de justice, de lois, de défense mutuelle, d’assistance des faibles, de philosophie et de progrès de la raison, ne sont que des leurres inventés par des politiques adroits ou par de lâches flatteurs, pour en imposer aux simples, et concluera, malgré tous les sophismes des raisonneurs, que le pur état de nature est celui de tous où les hommes seraient le moins méchants, le plus heureux, et en plus grand nombre sur la terre.


En raisonnant bien conséquemment, on devrait s’appliquer à donner peu de durée et de solidité aux ouvrages de l’industrie et à les rendre le plus périssables possible, et à regarder comme de vrais avantages les incendies, les naufrages et tous les autres dégâts qui font la désolation des hommes.


Dire qu’il est louable de chercher à s’enrichir pour faire du bien à ceux qui en ont besoin, signifie à peu près qu’il est bon de s’emparer du bien des autres pour avoir le plaisir de leur en rendre une partie.


Les larmes qu’on répand à la représentation d’une tragédie intéressante, ainsi que le sentiment intérieur qui nous fait plaindre les malheureux, ont pour nous une extrême douceur, etc., etc… L’abbé du Bos dit cela fort au long, mais il me semble que là raison est peu satisfaite de la manière dont il prétend l’expliquer : il dit que le plaisir vient de l’émotion. Mais pourquoi certaines émotions donnent-elles du plaisir, tandis que d’autres n’en donnent