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connaître, rappelons toutes les particularités relatives à cet événement.

Rousseau regardait le peuplé corse comme neuf, ou du moins le seul de l’Europe qui ne fût pas usé pour la législation. C’est sous ce rapport qu’il en avait parlé dans le Contrat social. Ce langage plut à Paoli, ainsi qu’aux autres chefs de ce peuple, qui venait de secouer le joug de Gênes. C’est en leur nom que M. Buttafuoco, capitaine au service de France, écrivit au mois d’août 1761[1] à Rousseau, l’invitant à faire un plan de législation pour la Corse. Flatté d’une proposition aussi honorable, il répondit en faisant voir les obstacles qui s’opposaient à son exécution : sans l’accepter ni la refuser, il témoigna le désir d’y concourir, fit des questions, demanda des renseignements, assurant que l’entreprise dont on le trouvait digne ne manquerait point par sa volonté. Il écrivait à milord Maréchal :. « Que les infortunés Corses ne peuvent-ils, par mon entremise, profiter de vos longues et profondes observations sur les hommes et les gouvernements ? Mais je suis loin de vous ! N’importe ; sans songer à l’impossibilité du succès, je m’occuperai de ces pauvres gens, comme si mes rêveries leur pouvaient être utiles. Puisque je suis dévoué aux chimères, je veux du moins m’en forger d’agréables. En songeant à ce que les hommes pourraient être, je tâcherai d’oublier ce qu’ils sont. Les Corses sont, comme vous le dites fort bien, plus près de cet état désirable qu’aucun autre peuple. »

Pendant qu’il méditait sur ce projet, il apprit que le cabinet de Versailles venait de conclure avec les Génois un

  1. Voyez les lettres qui suivent. (Note de l’Éditeur.)