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DE CLAIRE ET DE MARCELLIN. 271

perpétuel de contrainte et de fausseté. Elle se livra donc sans scrupule à toute la sensibilité de son âme ; ses yeux en disaient plus que sa bouche, et elle pouvait s’exprimer avec d^autant plus d*assurance que le langage du sentiment si vif, si énergique, si bien entendu d’elle et de Marcellin, ne rétait guère des autres spectateurs.

Elle le trouva presque hors de danger, et sa présence acheva de Ty mettre, de sorte qu’elle jouissait de son triomphe sans avoir rien à craindre pour Févénement. Cette preuve si décisive des sentiments de Marcellin ne fit pas moins d’impression sur elle que ses pleurs en avaient fait sur lui, et elle ne taj[*da pas à lui rendre d’une manière aussi peu équivoque les témoignages d’amour qu’elle en avait reçus.

Claire s’était bien aperçue que le père et la mère de Marcellin la voyaient avec une sorte de peine. Ils avaient fait des projets sur le mariage de leur fils. Ils étaient ri- ches : c’était une très-forte raison de vouloir l’être davan- tage. Et quoique la fille qu’ils avaient choisie ne le fôt pas beaucoup elle-même, ils comptaient sur le crédit que son père avait au château pour en obtenir la ferme et pour d’au- tres avantages qui les auraient rendus les premiers du lieu. On ne pouvait rompre le mariage sans renoncer à des vues si séduisantes. Ils ne voulaient pas rendre Marcellin mal- heureux, car ce rf est pas dans un degré si bas que l’ambi- tion fait taire la nature, mais ils étaient attristés que son goût fût un obstacle à leurs projets. Des projets de villa- geois I Pourquoi non ? César même n’aima-t-il pas mieux être le premier dans un hameau que le second à Rome ?

Tandis que Germon et sa femme disputaient entre eux si leur fils serait heureux ou riche, le père de la fiancée