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DES INSTITUTIONS POLITIQUES. ’255

côté-là la question nest que trop fecile à résoudre*. La vertu d’un seul homme de bien ennoblit plus la rpce hu- maine que tous les crimes des méchants ne peuvent la dé- grader.

Je suis surpris que, parmi tant de découvertes singulières qui se sont faites de nos jours, personne ne se soit encore avisé de remarquer que ic’est à la cour des rois que la phi- losophie a pris naissance ; il me semble que ce paradoxe en vaut bien un autre. Dans les premiers temps du monde, les hommes, encore grossiers, pensaient que, pour avoir droit de commander à d^autres, il fallait les surpasser en sagesse, et se réglant sur cette idée, les princes n’étaicmt pas seulement les juges de l’équitable et du bon, mais aussi du beau et du vrai.

Dans la constitution du bien et du mal les choses ne sont point égales. Une action, pour être bonne et juste, doit être telle non-seulement dans sa fin, mais encore selon toutes les solutions qu’elle peut avoir. Au contraire, toute action vicieuse à un seul égard, quelque louable qu’elle puisse être d’ailleurs, devient mauvaise en soi, de sorte que, tou- tes choses égales, le mal doit nécessairement compenser le bien à proportion de la multitude des objets auxquels la moralité de chaque action peut se rapporter.

  • n vaudrait mieux tirer pour jamais le rideau sur toutes les actions

humaines que de dévoiler à nos regards l’odieux et dangereux spectacle qu’elles nous présentent ; mais en y regardant de plus près on trouve bientôt quMl entre dans la solution de ce problème d’autres éléments dont le philosophe doit tenir compte, et qui modifient beaucoup une si triste conclusion. [Note de V Auteur.)