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228 FRAGMENTS

pagne, sans parasol, y gagnerait presque infailliblement un coup dé soleil et peut-ôtre une maladie mortelle, tandis qu une paysanne ne s’en trouverait point incommodée ; un bourgeois ne peut se passer d’un cheval pour aller à sa , campagne, dont son fermier fait tous les jours le trajet à pied. Et tel courtisan accoutumé aux aises d’une chaise de poste ne pourrait, sans en être incommodé, faire le même voyage à cheval. Ainsi tout, jusqu’au poison même, peut devenir besoin physique par l’habitude, comme l’opium chez les Turcs et le realgar chez les Chinois.

DES LOIS

La seule étude qui convienne à un bon peuple est celle de ses lois. 11 faut qu’il les médite sans cesse pour les aimer, pour les observer, pour les corriger même, avec les précautions que demande un sujet de cette importance, quand le besoin en est bien pressant et bien avéré. Tout État où il y a plus de lois que la mémoire de chaque citoyen n’en peut contenir est un État mal constitué, et tout homme qui ne sait pas par cœur les lois de son pays est un mauvais citoyen ; aussi Lycurgue ne voulut-il écrire les siennes que dans les cœurs des Spartiates.

Si l’on me demandait quel est le plus vicieux de tous les peuples, je répondrais sans hésiter que c’est celui qui a le plus de lois. La volonté de bien faire supplée à tout, et celui qui sait, écouter la loi de sa conscience n’en a guère besoin d’autre ; mais la multitude des lois annonce deux choses également dangereuses et qui marchent presque tou-