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DES INSTITUTIONS POLITIQUES. 227

même actuellement la nation la mieux gouvernée n’est- elle pas précisément celle qui murmure le plus ?

Il n’y a aucun gouvernement qui puisse forcer les ci- toyens à vivre heureux, le meilleur est celui qui les met en état de l’être s*ils sont raisonnables, et ce bonheur n’ap- partient jamais à la multitude. Ce n’est pas sur la situation la plus convenable aux inclinations ou aux fantaisies de chaque particulier que l’administration publique doit être modifiée ; il faut pour être bonne qu’elle s’établisse sur des règles plus générales.

Dans quelque gouvernement que ce soit, une sage ad- ministration peut former les mœurs publiques par l’édu- cation et par la coutume, et diriger tellement les inclina- tions des particuliers, qu’en général ils se trouvent plus contents du gouvernement sous lequel ils vivent qu’ils ne le seraient sous tout autre, meilleur ou pire, indifféremment. Car, qvoique les hommes se plaignent toujours, peut-être dans quelque autre situation.qu’on les mit se plaindfaient- ils encore davantage. Ce n’est donc pas par le sentiment <[ue les citoyens ont de leur bonheur, ni par conséquent par leur bonheur même, qu’il faut juger de la prospérité de rÉtat.

Nos besoins sont de deux espèces, savoir : les besoins physiques nécessaires à notre conservation, et ceux qui re- gardent les commodités, le plaisir, la magnificence, et dont les objets portent en général le nom de luxe. Ces der- niers deviennent à la lettre de véritables besoins lorsqu’un Icoig usage nous a fait contracter l’habitude d’en jouir et que notre constitution s’est pour ainsi dire formée, à cette habi- tude. Ain^ une femme de la ville, exposée pendant deux heures, dans les grandes ardeurs de Tété, en pleine cam-