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SUR LA RËYËLATION. 183

mes jours au progrès de la vérité, de pouvoir lui consacrer encore la fin d’une vie que la nature allait me redemander. mes amisi l’exemple de mon dernier jour est la seule instruction que je vous laisse, ou celle au moins qui doit donner du poids à toutes les autres. Je serais soupçonné de n’avoir vécu qu’en sophiste si je craignais de mourir en philosophe. » Après ce discours il reçut la coupe des sages, et l’ayant bue avec un air serein, il sjentretint pai- siblement avec ses amis de l’immortalité de l’âme et des grandes vérités de la nature, que le philosophe écouta d’autant plus attentivement qu’elles se rapportaient à ses précédentes méditations. Mais le dernier discours du vieil- lard, qui fut un hommage très-distinct à cette statue qu’il avait dévoilée, jeta dans l’esprit du philosophe un doute et un embarras dont il ne se lira jamais bien, et il fut toujours incertain si ces paroles renfermaient un sens allégorique ou simplement un acte de soumission au culte établi par les lois. c< Car, disait-il, si toutes les manières de servir la divinité lui sont indifférentes, c’est l’obéissance aux lois qu’il faut préférer, d Cependant, il restait toujours entre cette action et la précédente une contradiction qui lui parut impossible à lever.

Frappé de tout ce qu’il venait de voir, il réfléchissait profondément sur ces terribles scènes, quand tout à coup une voix se fit entendre dans les airs, prononçant distincte- ment ces mois : « C’est ici le Fils de^l’homme; les cieux se taisent devant lui, terre écoutez sa voix. » Alors, levant les yeux, il aperçut sur l’autel un personnage dont l’aspect imposant et doux le frappa d’étonnement et de respect : son vêtement était populaire et semblable à celui d’un artisan, mais son regard était céleste; son maintien mo-