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172 MORCEAU ALLÉGORIQUE

parfums ; les vergers et les bois, dans toute leur parure, formaient, au travers du crépuscule et des premiers rayons de la lune, un spectacle moins vif et plus touchant que durant Téclat du jour. Le murmure des ruisseaux, ef- facé par le tumulte de la journée, commençait à se faire entendre ; divers animaux domestiques, rentrant à pas lents, mugissaient au loin et semblaient se réjouir du re- pos que la nuit allait leur donner, et le calme qui com- mençait à régner de toutes parts était d’autant plus char- mant qu’il annonçait des lieux tranquilles sans être déserts, et la paix plutôt que la solitude.

À ce concours d’objets agréables, le philosophe touché comme Test toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. Après quelques instants de contemplation, il tourne par hasard les yeux vers le ciel, et à cet aspect qui lui est si familier et qui pour l’ordinaire le firappait si peu, il reste saisi d’admiration, il croit voir pour la première fois cette voûte immense et sa superbe parure. 11 remarque encore à l’Occident les traces de feu que laisse après lui l’astre qui nous donne la chaleur et le jour ; vers l’Orient il aperçoit la lueur douce et mélancolique de celui qui guide nos pas et excite nos rêveries durant la nuit ; il en distingue encore deux ou trois qui se font remarquer par l’apparente irré- gularité de leur route au milieu de la disposition constante et régulière de toutes les autres parties du ciel ; il consi- dère, avec je ne sais quel frémissement, la marche lente et majestueuse de cette multitude de globes qui roulent en