Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

. ET LE BONHEUR. 16$

qu’à celle qui me les fait si bien goûter encore ? C’est à vous, Sopbie, qu’il appartenait de me rendre chère la mé^ moire de mes derniers égarements par celle des vertus qui m’en ont ramené. Vous m’avez trop fait rougir de mes fau- tes pour que j’en puisse rougir aujourd’hui ; et je ne sais ce qui me rend le (dus fier, des victoires remportées sur moi-même, ou du secours qui me les a iait remporter. Si je n’avais écouté qu’une passion criminelle, si j’avais été vil un moment et que je vous eusse trouvée faible, que je payerais cher aujourd’hui des transports qui m’auraient paru si doux I Privés de tous les sentiments qui nous avaient unis, nous aurions cessé de l’être ; la honte et le repentir nous rendraient odieux l’un à l’autre : je vous haïrais pour vous avoir trop aimée, et quelle ivresse de volupté eût pu jamais dédommager mon cœur d’un attachement si pur et si tendre ? J’aurais honte de vous et de moi ; je sentirais que nous aurions été méprisables, que nous aurions indi- gnement abusé de tout ce que l’estime, l’amitié, la con- fiance ont de plus inviolable et de plus sacré ; je vous haï- rais sans doute pour m’avoir laissé m’avilir, vous me haïriez à plus juste titre. Picore. Au lieu de cet éloignement fu- neste, je ne me rappelle rien de vous qui ne me rende plus content de moi-même, et qui n’ajoute à l’amitié que vous m’avez inspirée, l’honneur, le respect et la reconnaissance de m’avoir conservé digne de vous aimer, — Si nous avions été, moi pilus aimable, ou vous plus faible, le souvenir de nos [daisirs ne pourrait jamais être, ainsi que celui de vo- tre innocence, si doux à mon cœur. Yerserais-je les larmes délicieuses qui m’échappent en écrivant ces lettres ? Me se- riez-vous aussi chère après avoir comblé mes vœux que vous l’êtes après m’avoir rendu sage ? Et cependant, parmi