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tinssent encore au peuple. Cependant je sais qu’il existe dans l’île une grande quantité d’excellentes terres en friche, dont il est très-facile au gouvernement de tirer parti, soit en les aliénant pour un certain nombre données à ceux qui les mettront en culture, soit en les faisant défricher par corvées chacune dans sa communauté. Il faudrait avoir été sur les lieux pour juger de la distribution qu’on peut faire de ces terres et du parti qu’on en peut tirer ; mais je ne doute point qu’au moyen de quelques échanges et de certains arrangements peu difficiles on ne puisse, dans chaque juridiction et même dans chaque piève, se procurer les fonds communaux qui pourront même augmenter en peu d’années par l’ordre dont il sera parlé dans la loi des successions.

Un autre moyen plus facile encore, et qui doit fournir un revenu plus net, plus sûr et beaucoup plus considérable, est de suivre un exemple que j’ai sous les yeux dans les cantons protestants : lors de la réformation, ces cantons s’emparèrent des dîmes ecclésiastiques, et ces dîmes, avec lesquelles ils entretiennent honnêtement leur clergé, ont fait le principal revenu de l’État.

Je ne dis pas que les Corses doivent toucher aux revenus de l’Église, à Dieu ne plaise ! mais je crois que le peuple ne peut pas se trouver vexé quand l’État lui demandera autant que lui demande le clergé, déjà suffisamment renté en fonds de terre ; l’assiette de cette taxe sera prise sans peine et sans embarras, et presque sans frais, puisqu’on n’aura qu’à doubler la dîme ecclésiastique et à en prendre la moitié.

Je tire une troisième sorte de revenu, la plus sûre et la meilleure, des hommes mêmes, en employant leur travail,