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nous ? Quels revenus assignerons-nous à l’administration ? L’établirons-nous gratuite ? Comment réglerons-nous son entretien ? C’est ce qu’il faut maintenant considérer.


Les systèmes de finances sont une invention moderne : ce mot de finance n’était pas plus connu des anciens que ceux de taille et de capitation. Le souverain mettait des impositions sur les peuples conquis ou vaincus, jamais sur les sujets immédiats, surtout dans les républiques. Bien loin que le peuple d’Athènes fût chargé d’impôt, le gouvernement le payait au contraire ; et Rome, à qui ses guerres devaient tant coûter, faisait souvent des distributions de blé et même de terres au peuple. L’Etat subsistait cependant et entretenait de grandes armées sur mer et sur terre, et faisait des ouvrages publics considérables et d’aussi grandes dépenses, tout au moins, qu’en font proportionnellement les États modernes ; comment cela se faisait-il ?

Il faut distinguer dans les États deux époques, leur commencement et leur accroissement : dans le commencement d’un État, il n’avait d’autre revenu que le domaine public, et ce domaine était considérable. Romulus le fit du tiers de toutes les terres ; il assigna le second tiers pour l’entretien des prêtres et des choses sacrées ; le troisième tiers seulement fut partagé entre les citoyens. C’était peu, mais ce peu était franc. Croit-on que le laboureur français ne se réduirait pas volontiers au tiers de ce qu’il cultive, à condition d’avoir ce tiers franc de toute taille, de tous cens, de toute dîme, et de ne payer aucune espèce d’impôt ?

Ainsi le revenu public ne se tirait point en argent, mais