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le transport. On aura les mêmes attentions pour les manufactures de toute espèce, chacune dans les choses qui les regardent, afin de faciliter autant qu’il se peut le travail et sa distribution. L’on se gardera pourtant bien de former ces sortes d’établissements dans les quartiers de l’île les plus peuplés et les plus fertiles. Au contraire on choisira, toute chose égale, les terrains les plus arides, et qui, s’ils n’étaient peuplés par l’industrie, resteraient déserts. On aura par là quelque embarras de plus pour les approvisionnements nécessaires ; mais les avantages qu’on y trouvera et les inconvénients qu’on évitera doivent l’emporter infiniment sur cette considération.

D’abord nous suivons ainsi notre grand et premier principe, qui est non-seulement d’étendre et multiplier la population, mais de l’égaliser dans toute l’île autant qu’il est possible. Car si les endroits stériles n’étaient pas peuplés par l’industrie, ils resteraient déserts, et ce serait autant de perdu pour l’agrandissement possible de la nation.

Si l’on formait de pareils établissements dans les lieux fertiles, l’abondance des vivres et le profit du travail, nécessairement plus grand dans les arts que dans l’agriculture, détournant les cultivateurs ou leurs familles des soins rustiques, et dépeuplant insensiblement la campagne, forceraient d’attirer de loin de nouveaux colons pour la cultiver. Ainsi, surchargeant d’habitants quelques points du territoire, nous en dépeuplerions d’autres, et, rompant ainsi l’équilibre, nous irions directement contre l’esprit de notre institution. Le transport des denrées les rendant plus coûteuses dans les fabriques, diminuera par là le profit des ouvriers, et, tenant leur état plus rapproché de celui du cultivateur, maintiendra mieux entre eux l’équilibre. Cet