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finesse et de n’entendre point raison, et qui ont lu cette profession de foi de Genève, en aient été aussi satisfaits que vous, jusqu’à se croire même obligés d’en faire l’éloge. Mais il s’agissait de rendre tout à la fois ma probité et ma religion suspectes ; tout leur a été bon dans ce dessein, et ce n’était pas aux ministres de Genève qu’ils voulaient nuire. Quoi qu’il en soit, je ne sais si les ecclésiastiques génevois que vous avez voulu justifier sur leur croyance, seront beaucoup plus contents de vous qu’ils l’ont été de moi, et si votre mollesse à les défendre leur plaira plus que ma franchise. Vous semblez m’accuser presque uniquement d’imprudence à leur égard ; vous me reprochez de ne les avoir point loués à leur manière, mais à la mienne ; et vous marquez d’ailleurs assez d’indifférence sur ce socinianisme dont ils craignent tant d’être soupçonnés. Permettez-moi de douter que cette manière de plaider leur cause les satisfasse. Je n’en serais pourtant point étonné, quand je vois l’accueil extraordinaire que les dévots ont fait à votre ouvrage. La rigueur de la morale que vous prêchez les a rendus indulgents sur la tolérance que vous professez avec courage et sans détour. Est-ce à eux qu’il faut en faire honneur, ou à vous, ou peut-être aux progrès inattendus de la philosophie dans les esprits même qui en paraissaient les moins susceptibles ? Mon article Genève n’a pas reçu de leur part le même accueil que votre lettre ; nos prêtres m’ont presque fait un crime des sentiments hétérodoxes que j’attribuais à leurs ennemis. Voilà ce