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être cet intérêt secret qui nous séduit toujours pour elles, m’ont entraîné trop loin et trop longtemps hors de mon sujet. En voilà donc assez, et peut-être trop, sur la partie de votre lettre qui concerne les spectacles en eux-mêmes, et les dangers de toute espèce dont vous les rendez responsables. Rien ne pourra plus leur nuire, si votre écrit n’y réussit pas ; car il faut avouer qu’aucun de nos prédicateurs ne les a combattus avec autant de force et de subtilité que vous. Il est vrai que la supériorité de vos talents ne doit pas seule en avoir l’honneur. La plupart de nos orateurs chrétiens, en attaquant la comédie, condamnent ce qu’ils ne connaissent pas ; vous avez au contraire étudié, analysé, composé vous-même pour en mieux juger les effets, le poison dangereux dont vous cherchez à nous préserver ; et vous décriez nos pièces de théâtre avec l’avantage non-seulement d’en avoir vu, mais d’en avoir fait. Néanmoins cet avantage même forme contre vous une objection incommode, que vous paraissez avoir sentie en n’osant vous la faire, et à laquelle vous avez indirectement tâché de répondre. Les spectacles, selon vous, sont nécessaires dans une ville aussi corrompue que celle que vous avez habitée longtemps ; et c’est apparemment pour ses habitants pervers, car ce n’est pas certainement pour votre patrie que vos pièces ont été composées : c’est-à-dire, monsieur, que vous nous avez traité comme ces animaux expirants qu’on achève dans leurs maladies de peur de les voir trop longtemps souffrir. Assez d’autres