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ce dernier mot) vous fera aisément obtenir grace ; elles sentiront du moins, et elles vous en sauront gré, qu’il vous en a moins coûté pour déclamer contre elles avec chaleur, que pour les voir et les juger avec une indifférence philosophique. Mais comment allier cette indifférence avec le sentiment si séduisant qu’elles inspirent ? qui peut avoir le bonheur ou le malheur de parler d’elles sans intérêt ? Essayons néanmoins, pour les apprécier avec justice, sans adulation comme sans humeur, d’oublier en ce moment combien leur société est aimable et dangereuse ; relisons Épictète avant que d’écrire, et tenons-nous fermes pour être austères et graves.

Je n’examinerai point, monsieur, si vous avez raison de vous écrier : Où trouvera-t-on une femme aimable et vertueuse ? comme le sage s’écriait autrefois : Où trouvera-t-on une femme forte ? Le genre humain serait bien à plaindre si l’objet le plus digne de nos hommages était en effet aussi rare que vous le dites. Mais si par malheur vous aviez raison, quelle en serait la triste cause ? L’esclavage et l’espèce d’avilissement où nous avons mis les femmes ; les entraves que nous donnons à leur esprit et à leur âme ; le jargon futile et humiliant pour elles et pour nous auquel nous avons réduit notre commerce avec elles, comme si elles n’avaient pas une raison à cultiver, ou n’en étaient pas dignes ; enfin l’éducation funeste, je dirais presque meurtrière, que nous leur prescrivons, sans leur permettre d’en avoir d’autre ; éducation