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en usage par l’oisiveté, sont bien au-dessous des plaisirs si purs et si simples que devraient nous offrir les devoirs de citoyen, d’ami, d’époux, de fils, et de père : mais rendez-nous donc, si vous le pouvez, ces devoirs moins pénibles et moins tristes ; ou souffrez qu’après les avoir remplis de notre mieux, nous nous consolions de notre mieux, nous nous consolions de notre mieux aussi des chagrins qui les accompagnent. Rendez les peuples plus heureux, et par conséquent les citoyens moins rares, les amis plus sensibles et plus constants, les pères plus justes, les enfants plus tendres, les femmes plus fidèles et plus vraies ; nous ne chercherons point alors d’autres plaisirs que ceux qu’on goûte au sein de l’amitié, de la patrie, de la nature et de l’amour. Mais il y a longtemps, vous le savez, que le siècle d’Astrée n’existe plus que dans les fables, si même il a jamais existé ailleurs. Solon disait qu’il avait donné aux Athéniens, non les meilleures lois en elles-mêmes, mais les meilleures qu’ils pussent observer. Il en est ainsi des devoirs qu’une saine philosophie prescrit aux hommes, et des plaisirs qu’elle leur permet. Elle doit nous supposer et nous prendre tels que nous sommes, pleins de passions et de faiblesses, mécontents de nous-mêmes et des autres, réunissant à un penchant naturel pour l’oisiveté, l’inquiétude et l’activité dans les désirs. Que reste-t-il à faire à la philosophie, que de pallier à nos yeux, par les distractions qu’elle nous offre, l’agitation qui nous tourmente, ou la langueur qui nous consume ? Peu de personnes ont, comme