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LE GRAND SILENCE BLANC

disait ma mère, et mon père ajoutait : « Oui, tu sais un tas de choses qui te permettront de crever de faim toute ta vie… » C’était sagesse !

En effet, je peignais, je sculptais, je mettais en vers de huit à douze pieds le soleil, les oiseaux, les fleurs, le printemps, comme si le soleil avait besoin de moi pour rayonner sa gloire, les oiseaux pour lancer leurs trilles éperdus, les fleurs pour enchanter nos yeux, le printemps pour faire croire au bonheur de notre âme !

Le cercle étroit de la petite ville était trop restreint. Paris, voilà le tréteau !

Vous n’attendez pas de moi que je vous dise les courses dans la grande ville. Il ne s’agissait plus de triomphes et de lauriers, mais plus simplement de manger. La course à l’écu ! C’est un championnat comme un autre !

Si j’ai mangé de la vache enragée ? Un troupeau, Mon Sieur, un fameux troupeau… Bah ! ces choses sont finies et les Arabes disent : le passé est un mort.

Les mille métiers, je les ai faits, les mille misères, je les ai connues.

J’ai été… voyons, que vous dirai-je ? J’ai couru les journaux pour placer « un papier ». J’ai fait des chansons (vous faites trop bien le vers, donnez-nous quelque chose de moins soigné… dans le goût populaire), et la chanson vendue (quinze francs, Mon Sieur), on touchait