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LE GRAND SILENCE BLANC

machine à fabriquer les dollars, c’est lui, l’être chétif qui, sous un climat effroyable, travaille, travaille, pour que là-bas la poupée soit rieuse et que des fanfreluches neuves lui servent à mettre en valeur sa beauté…

Et le sacrifice est vain.

L’or qu’on arrache à la terre est plus pénible à trouver que l’or qui roule dans la grande ville.

Vous n’avez pas vu le visage de « votre avare » lorsque vous êtes passé trois fois au camp et que, pas une fois, dans votre sac de cuir, vous n’avez eu pour lui la lettre coutumière… L’enveloppe bleue où se lisait en grandes lettres endiablées le nom de Jack Nichols…

Finies, les lettres ! Il n’en recevait plus ! Mais l’espérance illuminait son cœur d’amant ; après un désespoir farouche, il se reprenait. « La machine à fabriquer les dollars » se remettait à œuvrer d’un mouvement continu, avec cette obstination, cet entêtement qui est la force des faibles.

Il est mort tandis que l’aurore boréale enchantait la nuit polaire. Il est mort doucement, les yeux grands ouverts sur son rêve, avec un nom de femme sur les lèvres.

Gregory dit simplement :

— Vous avez raison, ami, décidément, je suis une stupide bête.