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LE GRAND SILENCE BLANC

À 15 milles à l’heure, le team allait allègrement, Hans excitant ses bêtes de la voix, dans un anglais un peu rauque. Les chiens tiraient, l’ongle dur griffant la glace, le cou en avant ; je dois vous dire que le thermomètre marquait 38° sous zéro.

N’importe, homme et bêtes allaient ; le sleigh, glissant sur ses patins de cuivre, semblait voler, lorsque tout à coup un craquement se fit entendre. Un vieux Yukoner, habitué de la Passe, aurait pris garde à cet avertissement. Hans Troemsen, pas. Il supputait ses bénéfices, les yeux perdus dans le lointain. Et ce qui devait arriver arriva. Un bloc de glace (rongé par quel monstre invisible ?) se détacha qui s’abattit sur le team.

Cinq chiens furent écrasés du coup. Hans, que la commotion avait rejeté contre une roche, gisait la tête ouverte.

Ces blessures-là, quand on n’en meurt pas sur le coup, sont sans importance. Le Scandinave avait le crâne dur.

Lorsqu’il revint à lui, ses yeux rencontrèrent les bons yeux clairs du wheeler (le chien de queue) qui, n’ayant pas de mal, léchait, à petits coups de langue, le sang qui coulait de la blessure de son maître.

C’est de cette heure que data l’amitié de l’homme et de la bête.

Hans Troemsen était heureux dans sa mal-