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LE GRAND SILENCE BLANC



La musique que mène Gregory, son fouet et ses chiens, annonce l’arrivée de la poste. Les baraquements se vident en quelques instants ; les hommes qui sont au bar, eux-mêmes, viennent sur le pas de la porte.

Tous nous saluent avec des hourrahs ; j’avais raison, Gregory Land est l’homme le plus attendu de la ville. Même ceux qui n’espèrent rien de sa venue sont autour du traîneau.

C’est là que j’ai vu se détendre les plus rudes visages : telle face est sombre qui s’illumine à l’appel d’un nom, telle mâchoire est contractée, dure, mauvaise, qui s’échancre d’un large sourire pour un paquet de quelques grammes, et les mains, toutes ces mains tendues, mains calleuses, rugueuses, entaillées, qui toutes frémissent comme des ailes d’oiseaux ; quelques-unes mettent une note plus blanche. D’où viennent-elles ? Que viennent-elles faire là ? D’autres sont crevassées ou bosselées d’ampoules, d’autres encore ont le poignet serré dans un bracelet de cuir lacé, et les doigts noueux, les doigts crochus, les doigts écrasés en spatule, les doigts volontaires, les doigts impatients et trembleurs…

Et chacun ayant reçu son bien se retire à