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LE GRAND SILENCE BLANC

surpris par la nuit qui tombe, dans ces régions polaires, comme un rideau qu’on abat.

Le postier poursuit tandis que je mange, lui se déclarant satisfait avec la bouteille de whisky et la blague que j’ai mise à sa disposition.

— Si mes souvenirs sont exacts, le territoire de l’Alaska (les îles comprises) ne doit pas atteindre moins de 1.376.000 kilomètres carrés, c’est-à-dire presque trois fois la superficie de votre France.

De l’embouchure du Simpson à la pointe sud de l’île du Prince, du Saint-Élie à l’Océan Glacial, en suivant le 143e degré 20’ de longitude est de votre méridien, sur ces 1.376.000 kilomètres carrés, vous êtes bien aujourd’hui trente à trente-cinq mille mineurs ou vivant des mines, groupés dans la vallée du Yukon ou les environs de la Tanana, de la Stewart ou de la Porcupine.

Vous êtes, comme cela se doit, de joyeux garçons venus des quatre coins du monde pour prendre la chance.

Je vous connais presque tous ; en tout cas, tous vous me connaissez. Ah ! j’en ai rencontré, j’en ai vu : des Américains de l’Ouest à qui « la paye » n’avait pas été favorable du côté du Sacramento ou du Nevada, des Canadiens français de l’Alberta ou du Saskatchewan, des Européens aussi ayant traîné — faites excuses — dans tous les bouges, essayé de tous les métiers, Anglais, Écossais, Irlandais, Allemands, Autri-