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LE GRAND SILENCE BLANC

j’ai perdu au jeu le peu que j’avais arraché à la terre, ce qui m’a guéri des mines ; ensuite, j’ai été bûcheron, maçon, garçon de bar, puis, comme je savais mener proprement un team, le gouvernement canadien a bien voulu m’agréer comme maître de poste… voilà quatorze ans… Excusez-moi, camarade, je me répète… mauvais signe.

Gregory Land soupire et s’apitoye :

— Ah ! ça n’est plus le bon temps… ça n’est jamais le bon temps quand on vieillit ; alors, on trouve tout naturellement que les jours de notre jeunesse étaient les plus beaux… Tout de même, ici, c’était mieux autrefois.

Pour lui donner du courage, je lui verse une rasade de whisky. Gregory l’avale d’un trait, la tête rejetée en arrière.

— Vous êtes un aimable garçon, fait-il pour me remercier ; puis il ajoute : Voilà des beignets dont me direz des nouvelles.

Il m’en offre un, doré, croustillant, à la pointe de son couteau.

Je rends hommage à ses talents culinaires, il accepte, sans modestie, et reprend son discours.

C’est vraiment une encyclopédie, cet homme qui court la piste, il cite des faits, des dates, il émaille son parler d’une série d’anecdotes sérieuses ou plaisantes.

C’est ainsi que Gregory Land paye l’hospitalité qu’on lui donne lorsque ses chiens et lui sont