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LE GRAND SILENCE BLANC

mon sleigh passe, rapide ; un coup de collier, enfin voici le sommet de la colline…

Là-haut la tempête fait rage ; les chiens, aveuglés, s’affolent et nous dévalons la pente comme poussés par l’ouragan.

Et le team s’enfonce dans une gorge étranglée ; l’abîme est là, à sept cents pieds. L’éventail se replie ; d’instinct, les chiens ont pris le virage. J’ai le temps d’apercevoir le gouffre où le vent se précipite en mugissant…

De piste, point. Il n’y a rien que de la neige pendant des milles et des milles.

La nuit tombe. Le thermomètre marque quarante sous zéro…

… Nous allons.

Depuis deux jours, nous avons perdu le trail et nous errons et campons à l’aventure.

Dix fois, j’ai cru retrouver mon chemin ; dix fois, je me suis rendu compte que c’était ma propre trace que je suivais.

Nous avons tourné en rond. Les chiens sont harassés. Ils répondent mal à mon appel.

Ma boussole est détraquée. J’ai perdu toute direction. Parfois, les bêtes, lasses, s’arrêtent ; je dois, malgré ma répugnance, employer le fouet en cuir de renne qui se lance comme un lasso.

Ma provision de farine de maïs est épuisée, il me reste une poignée de thé et du sel dans un cornet de bois.