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APOLOGIE DE LA VIE SOLITAIRE ET CONTEMPLATIVE

néantiraient tout-à-fait ? (Liv. 3 ch. 4.) »

Certes, voilà de graves paroles et de puissantes autorités ; et nous sentions le besoin, dès le premier chapitre, de nous en étayer, comme nous le ferons d’autres autorités, dans tout le cours de cet ouvrage : c’est la meilleure marche à suivre ; nous y gagnerons et nos lecteurs aussi. Puisse Dieu bénir nos efforts et rendre utiles nos premiers travaux dans la carrière ardue que nous aurons à parcourir, pour sa gloire et pour le salut de quelques âmes d’élite ; de ces âmes ardentes, trop méconnues et abandonnées de nos jours dans leur lutte héroïque contre le monde. Le monde est encore aujourd’hui ce qu’il a été de tous temps, l’ennemi et le détracteur de la vie érémitique et contemplative, et de tous ceux qui l’embrassent et y attirent les autres.


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CHAPITRE SECOND.

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ÉTAT DÉPLORABLE OU VIOLENT D’UN GRAND NOMBRE D’ÂMES. — LE SEUL REMÈDE À CET ÉTAT EST UNE SAINTE RETRAITE. — NÉCESSITÉ DES MONASTÈRES.



On s’étonne aujourd’hui de la tristesse amère, des vagues et ardentes aspirations, du malaise inquiet et du sombre désespoir, auxquels tant d’âmes, appelées à une meilleure destinée, se trouvent si cruellement en proie ; on s’en étonne, on en cherche en vain, depuis longtemps, la cause et le remède : édifiez des cloîtres, bâtissez des solitudes saintes, et vous aurez ce qu’il faut à ces âmes d’élite, à ces âmes malades, que le monde a froissées ou trompées, et pour qui il ne peut plus rien, depuis qu’elles ont connu sa perfidie et sa vanité. Elles ne veulent plus du monde, et le monde ne veut plus d’elles.

Eh bien ! si des cloîtres manquent à ces âmes, si la société, dans son imparfaite organisation, ne leur offre aucun asile où elles puissent se retirer et vivre à l’abri des atteintes du vice et des froides railleries, elles iront chercher la solitude et le repos dans les forêts et les déserts ; comme les anciens anachorètes, elles demanderont à la nature sauvage ce que la société leur a refusé. Oui, lors même que tous les cloîtres seraient détruits ou fermés, le grand cloître du désert sera toujours ouvert pour les âmes fatiguées du monde et de ses vaines agitations. Il restera, ce cloître indestructible, avec ses cavernes profondes, ses grottes mystérieuses, ses vallons ombreux, ses hautes montagnes, ses retraites inaccessibles, ses promontoires, ses grèves isolées, ses rochers connus de l’aigle et battus des flots, et ses îles verdoyantes qui rappellent Lérins.

Écoutons parler l’abbé Deguerry, un des célèbres prédicateurs de Paris :

« Les âmes, bien que faites les unes et les autres à l’image de Dieu, n’ont pas été jetées dans un seul moule. Elles diffèrent peut-être plus entre elles pour les inclinations, qu’entre eux pour les formes, les corps qu’elles habitent. Aveugle qui voudrait les placer sous le niveau d’un régime commun, s’imaginant que, diverses de tempérament, on les rendra