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CHAPITRE PREMIER.

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CE QU’IL FAUT PENSER DES DÉTRACTEURS DE LA VIE SOLITAIRE.



Nous reconnaissons, dès le début de cet ouvrage, que nous n’avons aucune autorité personnelle, ni celle de l’âge, ni celle du talent, ni celle surtout de la sainteté. « Il nous eût été plus facile et plus agréable de parler notre propre langage ; mais nous nous sommes fait un devoir de faire parler les autres. » Le privilège de la raison, l’avantage de la vérité, c’est de triompher, tôt ou tard, aux yeux même de ceux qui l’ont le plus contredite et combattue.

Ainsi, malgré la haine active et l’aveugle répugnance des protestants ; malgré le froid mépris et l’avare indifférence des hommes du monde ; malgré l’ignorante bonne foi et la fausse inquiétude de la plupart des fidèles ; malgré, peut-être, l’attitude neutre, ou peu encourageante, de l’autorité, (car elle est obligée d’examiner et d’éprouver d’abord toute vocation, surtout lorsqu’elle paraît extraordinaire, afin de la reconnaître et de la protéger ensuite) ; malgré, enfin, tout ce que l’on pourra dire ou penser, nous croyons le moment arrivé, où c’est un devoir pour tout homme convaincu d’oser proclamer la nécessité des divers Ordres Religieux en général, et surtout des divers Ordres Contemplatifs, pour les hommes et pour les femmes, dans le Nouveau-Monde.

Oui, nous pouvons nous écrier ici, comme Charles Nodier s’est écrié en France : « Cette génération se lève et vous demande des cloîtres ! »

« Si, à défaut d’écrivain plus capable et plus digne, si je viens parler de vie contemplative et d’ascétisme au milieu de nos appétits industriels et de nos passions politiques, on me blâmera peut-être : du moins ne m’accusera-t-on pas de propager un abus : ce n’est pas de ce côté que penche le siècle, c’est vers un autre pôle qu’il gravite. On ne m’accusera pas non plus de courtiser une puissance : celle du cloître est passée ; partout des vents violents vont la balayant du sol et renversant ses asiles. En Orient, en Occident, voyez comme la cellule est vide, comme la laure est délaissée, comme le désert est désert ! »

Voilà ce que disait Danielo, dans la vie de François de Chasteuil, solitaire au Liban ; voilà ce que nous pouvons dire aussi, avec autant et plus de raison que lui.

Mais remontons jusqu’au quatrième siècle du christianisme. Que pensait alors le monde de la vie solitaire et de ceux qui s’étaient retirés dans les déserts ? Écoutons ce que nous dit le Père Michel-Ange Marin, qui a écrit les Vies des Solitaires de l’Orient :