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« divines, des familiarités ineffables ? soyez semblable à celui dont vous recherchez les chastes embrassements, c’est-à-dire, soyez simple comme il est simple. Cette simplicité doit se répandre jusque sur votre extérieur. Fuyez donc le trouble et le tumulte du siècle. Cherchez la paix, aimez la retraite ; c’est dans la solitude que Dieu parlera à votre cœur ; c’est à l’écart que votre Époux veut se communiquer à vous. Si vous êtes riche, si vous êtes dans l’embarras des charges et des dignités, en vain prétendez-vous trouver assez de liberté pour vaquer à la contemplation. Voyez ce qu’il en a coûté à nos pères ! Il leur a fallu se détacher de tout, rompre les liens de la chair et du sang, abandonner biens, charges, intérêts, fuir les villes et le grand jour, se retirer dans les cavernes et dans les déserts. Ce n’est que par ce dégagement parfait qu’ils ont été en état de s’appliquer à Dieu et de se nourrir de son esprit. Après tout, rien n’était plus heureux que cette vie ! Comptez-vous pour un bonheur d’être à couvert des écueils de la vie ? Eh ! bien, ces pieux solitaires étaient au port. Est-ce être heureux, à votre avis, que de posséder toutes les vertus morales ? Or, pouvez-vous rien trouver de plus exact et de plus réglé que leur conduite ? Ils ne possédaient rien, je l’avoue ; ils avaient renoncé aux richesses temporelles ; mais ils étaient riches aux yeux de Dieu. Tous les trésors de la grâce leur étaient ouverts ; Jésus-Christ habitait en eux : Est-on pauvre avec un tel hôte ? Ils accablaient leurs corps de mortifications, de jeûnes, de veilles, de cilices ; mais ils avaient une ferme espérance de se retrouver à la résurrection, avec une chair renouvelée et une fleur de santé et de beauté inaltérable. Le monde était leur ennemi ; mais ils avaient la faveur du Roi du ciel, qu’ils ne pouvaient perdre que par leur faute. Ravis de l’excellence des biens qu’il leur promettait, ils ont foulé aux pieds tout ce que le monde renferme de grand. Ils ont souffert avec joie l’ignominie, les opprobres, la gêne et les supplices les plus rudes que la rage des tyrans ait pu inventer. Ils ont publié la gloire, la grandeur et la divinité de Jésus-Christ : pouvez-vous rien imaginer de plus heureux que ces chrétiens ? » (Savanrole.)

« C’est dans la solitude que le Seigneur parle et converse familièrement avec les âmes. O soliludo, s’écriait Saint-Jérôme, in qua Deus cum suis familiariler loquitur et conversatur. Avant ce saint, Dieu lui-même nous avait avertis que c’était dans la solitude qu’il parlait à nos cœurs : Ducam eam in solitudinem, et loquar ad cor ejus. (Os. 2. 14.) Aussi voit-on les âmes qui brûlent de l’amour de Dieu rechercher toujours la solitude. Les Saints allèrent s’enfoncer dans les forêts et dans les cavernes les plus affreuses, afin de n’être point troublés par le bruit du monde, et de traiter, seul à seul, avec Dieu. Silentium, disait Saint-Bernard, et a strepitu quies cogit cœlestia meditare : le silence et la solitude forcent, pour ainsi dire, l’âme à ne penser qu’à Dieu. » (Selva, Liguori.)

« Rien ne me semble plus digne d’envie que le sort d’un solitaire, qui a captivé ses sens sous l’empire de la raison ; qui s’est affranchi de tous les désirs, de toutes les affections charnelles ; qui, tout entier recueilli en lui-même, ne touche plus au monde que par les rapports passagers que la nécessité exige : « il s’entretient avec son propre cœur, avec son Dieu. » Élevé au-dessus de tous les objets sensibles, ses pensées sont pures, saintes, dégagées de tout ce que la terre a de vains fantômes et d’ombres fugitives. Son âme devient ainsi comme un miroir sans tache, dont l’éclat et la pureté augmentent chaque jour, et où Dieu se plaît à réfléchir les rayons de sa divinité et la splendeur de sa gloire. Il se nourrit des grandes espérances de la vie future ; déjà il les possède ; il vit au milieu des anges ; et quoiqu’il habite encore la terre, il ne tient plus à la terre ; son âme, soutenue par l’Esprit-Saint, se transporte jusque dans le ciel. » (St-Grégoire de Nazianze.)

« Quelle que soit la diversité des opinions à ce sujet, car chacun a la sienne, les villes me paraissent à moi une prison, et la solitude un paradis… Ô désert toujours émaillé de fleurs ! Ô solitude d’où l’on tire les pierres qui servent à bâtir cette ville du grand Roi, dont parle Saint-Jean dans son apocalypse ! Ô désert où l’on a l’avantage de converser familièrement avec Dieu… Il me semble que je sois ici comme dans une nouvelle lumière. Déchargé que je suis du poids accablant de mon corps, je prends plaisir à m’envoler dans un air plus serein et plus pur ! » (St-Jérôme.)

« Il n’y a que ceux qui l’ont éprouvé et qui se plaisent dans la retraite, qui sachent combien le silence et la tranquillité d’un désert sont aimables et