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jet aimé ! Ducam eam in solitudinem, et loquar ad cor ejus, dit l’Époux divin : Je la conduirai dans la solitude, et là, je lui parlerai dans le secret du cœur. L’âme est donc dans la solitude, lorsque l’Époux divin lui parle avec cette intime familiarité ; c’est dans la solitude que s’établit cette communication de cœur à cœur, c’est-à-dire de l’Époux seul avec l’épouse seule, Solus cum solo, nous dit Saint-Bernard.

« Le docteur de la loi deviendra sage au temps de son repos, et celui qui s’agite peu, acquerra la sagesse. » (Eccles, 38, 25.)

« L’Équité habitera dans le désert, et la justice se reposera dans le champ fertile. » (Isa. 32, 16.)

C’est dans la solitude que Dieu conduit les âmes qu’il élève à la contemplation ; et c’est là qu’il s’entretient familièrement et paisiblement avec elles : tranquillus Deus tranquillat omnia, et quietum aspicere, quiescere est. (St-Aug.)

C’est dans la solitude que tombe du ciel cette rosée de lumière, ros lucis, dont nous parle le prophète. La solitude est le séjour de la vérité, de la vertu, de la paix, de la joie, de l’amour et de l’extase !

Les sages ont toujours fui la foule ; on ne trouve point Dieu dans le trouble et le tumulte du monde, dans la multiplicité et l’embarras des affaires : Dieu est seul ; il faut être seul pour le trouver ; il faut aller le chercher dans la solitude.

Philon, Pythagore, Platon et Épictète, les plus beaux génies de l’antiquité, étaient des philosophes contemplatifs et ascétiques, des hommes de silence, de repos et de solitude.

L’aigle, selon Saint-Grégoire, est la figure des âmes solitaires. En parlant de l’aigle, l’Écriture nous dit, qu’il bâtit son nid dans les lieux élevés et inaccessibles : in arduis ponet nidum suum. L’aigle regarde fixement le soleil : c’est l’image des âmes mystiques, qui planent au-dessus de la terre et contemplent les choses de Dieu ; elles vivent déjà dans le ciel ; elles vivent d’une vie angélique !

Ô solitude, il faut t’avoir connue pour t’aimer ; mais comment ne pas t’aimer lorsque l’on t’a connue ? — Tu es le trésor inestimable, la perle précieuse dont parle l’Évangile ; et l’on doit tout vendre pour t’acquérir et te posséder !

Ô solitude sainte ! Ô heureuse, douce, tranquille solitude ! gardienne du génie et de la piété, séjour émaillé de fleurs mystiques, asile sacré, paradis de voluptés ! Ô solitude, notre abri loin des villes, notre port après l’orage, notre ciel sur la terre ! O beata solitudo ! O sola beatitudo !

« Solitude is a sort of paradise to souls that aspire to virtue, either because being there solely occupied with the perfections of God, they are raised above the condition of mortals and become quite divine, on account of the graces which Almighty God then pours out upon them more abundantly, and the familiarity with himself to which He raises them. As His spirit is incompatible with that of the world, He is only pleased with solitude, and He reserves His caresses for those who separate themselves from the world to enjoy the sweetness of His conversation. Thus, speaking of a soul who wishes to keep a close union with Him, He says that He will draw her into solitude, where being disengaged from creatures He will speak to her heart, that is, he will converse familiarly with her, to show her the path she must follow to attain heaven. » (T. W. Faber.)

If thou art worn, and hard beset,
With sorrows that thou would’st forget ;
If thou would’st read a lesson that will keep
Thy heart from fainting, and thy soul from sleep,
Go to the woods and hills ! no tears
Dim the sweet look that nature wears.

(Longfellow.)