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dans les brumes du matin et les vapeurs du soir… Oh ! comme elle aimait à voir ondoyer les roseaux, les joues et les grandes herbes qui croissent sur les rivages déserts des lacs ! Comme elle aimait à écouter le gémissement du vent dans les arbres, et des flots sur les grèves solitaires et sablonneuses ! Comme elle aimait à être seule, et à être libre, au milieu de l’immensité, au milieu des horizons infinis, derrière lesquels se cachent d’autres horizons, et d’autres infinis ! … Et l’on aurait voulu que cette âme eût trouvé assez d’air pour respirer dans l’enceinte étouffante des villes populeuses ! … Oh ! comme elle s’enivrait, s’exaltait, et chantait, en se promenant au bord des vagues écumantes, sous les arbres géants que tourmente l’orage, et dans les vastes et verdoyantes savanes où errent les troupeaux d’innombrables bisons ! Comme elle s’y sentait vivre d’une vie surabondante et inépuisable ! … Et l’on aurait voulu que ce chaste et fervent génie eût trouvé assez d’espace pour déployer ses ailes entre les barreaux d’une cage aussi étroite que basse, aussi obscure que malsaine ! L’aigle peut-il planer dans le froid séjour des ténèbres ?

Mais, lorsqu’elle s’enivrait, s’exaltait et chantait ainsi, ce n’était pas la nature matérielle qui ravissait et transportait d’enthousiasme son âme ; elle s’élançait du symbole à la Réalité Idéale, de la création visible à l’Invisible Créateur. « O Unité de Dieu, au-dessus de toutes les multipli-