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n’est pas sa patrie ; et il passe sur la terre comme un exilé qui hâte le pas et à qui il tarde de voir briller l’astre de la céleste patrie que Dieu lui a préparée, à lui pèlerin, étranger parmi des hommes qui ne l’ont ni connu, ni aimé, ni reçu sous un toit hospitalier… Plut au ciel qu’ils ne l’eussent jamais insulté, ni blessé dans leur prosaïque dureté !

Atala parlait à Dieu, elle se parlait à elle-même, mais elle parlait peu aux autres et oubliait ce qu’ils avaient dit ; les autres ne l’auraient pas comprise ; elle était pour eux un mystère et un scandale ; en elle, l’intuition atteignait au plus haut sommet de l’idéal ravissant ; identifiée avec la primitive et sauvage nature américaine, inspirée par les voix mystérieuses des forêts profondes, des vastes prairies, des fleuves impétueux et des mers orageuses, soulevée par les grands souffles qui remplissent et animent les solitudes où habitent seuls l’aigle souverain et l’ange enflammé de la prière, debout sur les hauteurs vertigineuses, ou penchée au-dessus des abîmes où tombent les grandes eaux mugissantes, l’espace illimité était ouvert à ses regards illuminés, et l’infini du ciel au vol mystique de ses pensées brûlantes : On l’eut prise pour la vierge enthousiaste de l’inviolable liberté et de l’incorruptible poésie. « O mon Dieu, disait-elle souvent avec ardeur, pourquoi m’as-tu donné une âme, si ce n’est pour t’aimer ; pourquoi un esprit, si ce n’est pour m’élever vers