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 Ô Nature prends-nous ; cache-nous sous ton aile ;
Calme nos cœurs fiévreux de ta voix maternelle !
Qu’il est doux d’habiter les lieux infréquentés :
« C’est Dieu qui fit les bois, et l’homme les cités ! »
C’est Dieu qui fit les bois, les monts et les prairies,
Les fleuves et les lacs, semés d’îles fleuries,
Tous ces antres obscurs, tous ces abris secrets,
Où tant d’hommes ont fui, de la foule ignorés ! —
Pour le monde hypocrite et sa froide étiquette,
Itibapishi ma, Dieu te fit-il poète ?
À ce monde égoïste, à la société,
Jette un adieu sauvage, un saint ialeshké !


le pale-visage.


Conduis-moi, — loin ! bien loin ! — dans ton grand Territoire :
Et là, je construirai ma cellule-oratoire !
Et là, je deviendrai le libre compagnon
Du chasseur Indien, de l’aigle et du bison !
Et là, je bâtirai mon tranquille ermitage ;
Aux ascètes nouveaux j’ouvrirai le passage ;
Antoine Calybite, érémicole obscur,
D’un règne glorieux je dirai le futur !

  Les déserts, tressaillant dans leur joie,
  Verront les ermites pionniers
  Suivre le Christ dans l’étroite voie,
  Le Christ dans les épineux sentiers.,

  Les grandes forêts Américaines,
  Sous l’ombre de leurs épais rameaux,
  Abriteront les âmes sereines,
  Dont l’action est dans le repos.

  L’Indien et l’humble Anachorète
  Auront, près du sauvage bison,
  La même inaccessible retraite,
  Dans la savane sans horizon.

  Là, des colombes contemplatives
  Rempliront de leurs gémissements
  De nos solitudes primitives,
  Les sombres cloîtres retentissants ;

  Et tant d’harmonieuses prières,
  Réveillant des échos dans le ciel,
  Un fleuve de grâces salutaires
  Fera germer un nouveau Carmel !