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Plus que les étrangers, crains tes fils dissidents,
Dans leurs sombres fureurs et leurs rêves sanglants !
Sommes-nous donc aux temps, où, pleins d’hypocrisie,
Les hommes, dans leur haine, et dans leur frénésie,
Fuyant l’ardent éclat dont la vérité luit,
S’entourent pour agir des ombres de la nuit ?
La Liberté n’est pas un Ange de ténèbres,
Une fille nocturne aux vêtements funèbres :
C’est l’auguste Amazone, au regard plein d’éclairs,
Qui fait pâlir les rois et les tribuns pervers !
La Liberté, c’est l’Aigle, inondé de lumière,
Et qui plane sans crainte au séjour du tonnerre !
Honte aux oiseaux de nuit, à ces lâches hiboux,
Qui pour l’œuvre du mal se cachent parmi nous !
Fils du Démon, ils ont les ruses de leur père ;
Ils sèment autour d’eux un esprit léthifère ;
Et, déguisant le but de leurs secrets desseins,
Ils préparent sans bruit leurs poignards assassins !
Sur leurs fronts apostats, ces dupes ou faux-braves,
Portent ces mots écrits : Esclaves des Esclaves !
Asservis à des chefs, que subjugue Satan,
Leur cœur pour battre encor n’a plus un libre élan !
 Tandis que le grand Aigle, oiseau de la lumière,
Des rayons de sa gloire éclaire sa carrière,
Les oiseaux ténébreux, secrètement unis,
Font éclore leurs œufs en d’invisibles nids :
Mais, vers ces nids cachés, à la faveur des ombres,
Sortant de tous côtés des humides décombres, —
Vengeurs inattendus, — glissent de froids serpents,
Qui dévorent les fruits de leurs accouplements ;
Et qui, jetant l’alarme au milieu des ténèbres,
Viennent saisir d’effroi ces légions funèbres !
Ainsi périt l’espoir des méchants assemblés,
Qui, par d’autres méchants dans leurs œuvres troublés,
Voient détruire l’effort de leur lâche infamie,
Et cesser l’union qu’ils croyaient affermie :
L’union est sans force où Dieu ne règne pas ;
Le vice est combattu par le crime ici-bas ;
Et quand sort de l’Enfer un esprit de désordre,
C’est par l’excès du mal que Dieu rétablit l’ordre !
 Les nations, ainsi que l’homme, dans le bien,
Ont pour les diriger un Ange Gardien !
En vain, l’Enfer s’émeut ; en vain, l’homme s’agite :
Chaque astre, avec éclat, roule dans son orbite ;
Et Dieu, qui peut calmer les flots de l’océan,
Des méchants dans le mal arrête aussi l’élan !
Rien n’arrive que Dieu ne le veuille ou permette ;
Notre marche, à son gré, s’accélère ou s’arrête ;
La tempête souvent nous pousse vers le port ;
La vie est dans la crise, où l’on croit voir la mort !