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L’ingrat te jettera la pierre à chaque pas ! » —
Voilà ce que t’a dit celui qui ne ment pas !
Et moi, ta mère aimée, et moi, ta mère aimante,
Moi, dont tu sens encor l’action si puissante,
Moi, qui sais te comprendre et calmer tes douleurs, —
Je t’appelle, ô mon fils ! Viens au milieu des fleurs,
Viens parmi les oiseaux ; que dans la solitude
Ton âme recommence une nouvelle étude ;
Recueille tous les bruits éveillés sous tes pas ;
Ce que le monde ignore, ici, tu l’apprendras ;
Mieux que les professeurs d’une école orgueilleuse,
Tu pourras écouter le cyprès et l’yeuse ;
Ici, tu saisiras, comme Élie au Carmel,
Les derniers bruits du monde et les premiers du ciel !
Dans le feuillage épais du chêne et du copalme,
Et du grand cèdre, il est une majesté calme ;
L’arbre, aux rameaux touffus, obscurs, mystérieux,
Semble un chemin par où l’âme s’élève aux cieux ;
À travers l’épaisseur du dôme humide et sombre,
D’où s’épanchent sur nous la mélodie et l’ombre,
L’œil aperçoit des nids et des oiseaux chanteurs,
Cachés dans les réseaux des lianes en fleurs ;
Et le soir, ces rameaux, pleins d’ombre et de mystère,
Semblent frémir d’un bruit qui n’est pas de la terre !
Ah ! songe qu’avant toi, fuyant l’éclat du jour,
Loin des flots populeux, Jésus, le Dieu d’amour,
Solitaire, ou suivi toujours d’un petit nombre,
Des arbres écartés, des bois a cherché l’ombre !
Loin des sentiers bruyants, que de fois, pour prier,
Sur les monts, il choisit l’ombre de l’olivier,
Le dôme du palmier qui croit dans la vallée,
Ou les arbres bordant la mer de Galilée ! —
Ô saules du Jourdain, cèdres du Golgotha,
Que de fois, sous votre ombre, et seul, il s’arrêta !
Au seuil de la cité secouant ses sandales,
Loin des cœurs orgueilleux qui vivent de scandales,
Loin des scribes menteurs et des pharisiens,
Il aimait au désert à fuir avec les siens ! —
Des Prêtres, après lui, des Saints, des femmes fortes,
De l’enclos des cités ont renversé les portes ;
Dans les bois, sur les monts voisins du firmament,
Ils sont venus chercher un mystique aliment ;
Au livre que je garde, ils sont venus s’instruire :
Demande à Saint Bernard ce qu’il savait y lire ! —
Parcours tout l’Orient, berceau mystérieux,
Avec tous ses trésors jadis si glorieux ;
Visite la Chaldée ainsi que l’Arménie ;
Va dans la Palestine, en quittant la Syrie ;
Parcours tout l’Orient, autrefois habité,
Du désert de Nitrie au désert de Scéthé ;