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Il ne recule pas devant la calomnie ;
Il ose aux pieds du Christ porter la simonie ;
Et comme les vendeurs profanant le lieu saint,
Armer du fouet vengeur le Dieu qu’il n’a pas craint !…
 Ô monde, Jésus-Christ t’a maudit ; et qui t’aime
Est frappé, comme toi, du terrible anathème !
De ton souffle infernal flétrissant chaque fleur,
Ta bouche en la touchant y laisse un ver rongeur !
Des plus saintes vertus empruntant la surface,
Ta malice hypocrite égale ton audace !
Déguisant tes desseins sous les charmes du fard,
Comme un serpent de nuit au fascinant regard,
Tu sais tendre ton piège et surprendre ta proie ;
Et quand le mal est fait, ta laideur se déploie !…
Heureux qui peut te fuir, ô monde séducteur,
Sans avoir savouré ta perfide douceur :
L’âme, ainsi que le corps, au poison s’habitue ;
Elle respire un air qui l’enivre et la tue ;
Et calme en s’imprégnant de ce poison subtil ;
Reçoit la mort, avant d’avoir vu le péril !
Dans son luxe frivole, ainsi périt la femme ;
Dans son ivresse impie, ainsi l’homme éteint l’âme ;
Ainsi tout se dissout, la famille et l’État ;
Et tout pour nous tromper revêt un faux éclat !
Oui, la société par la base est sapée :
Chaque femme, aujourd’hui, délirante poupée,
Esclave de la mode, esclave du Démon,
Ne rêve que le luxe à l’autel de Mammon !
Ce qui plaît et ravit, est-ce donc, dans la femme,
La beauté des habits ou la beauté de l’âme ?
Qu’importe un corps de chair superbement vêtu,
Si l’âme qui l’habite est vide de vertu ?
On voit partout s’unir et l’art et la nature,
Pour parer cette chair qui tombe en pourriture :
Les habits, sont-ils donc pour orner sa beauté,
Ou pour couvrir sa honte et son indignité ?
Partout le luxe enfante et nourrit la luxure :
Le luxe est d’un cœur vain l’expression impure !…
Oh ! du sombre avenir funèbres précurseurs, —
Les frères effrayés rougissent de leurs sœurs !
L’homme est efféminé ; la femme se fait homme,
Et son regard viril eût réjoui Sodome !
Devant son pas hardi, son œil provocateur,
En doutant de son sexe, on recule d’horreur !
Son voile tombe à terre, et sa robe s’entr’ouvre,
Et devant le soleil l’impudeur se découvre !
La femme a pris des airs de masculinité,
Et de ses nouveaux droits l’homme est épouvanté !…
Dans la rue, au théâtre, au bal, la jeune fille,
Comme dans un marché, se déclare nubile ;