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« L’homme est naturellement porté à se produire au grand jour, et à faire retentir du bruit de sa petite renommée l’étroite sphère de son activité. L’amour de la vie cachée combat directement ce besoin d’estime et de réputation. Il nous fait fuir les regards humains ; il nous fait consentir à vivre et à mourir inaperçus des hommes. La vie cachée est un épouvantail dont la seule idée glace d’effroi notre superbe nature ; mais elle est douce, suave, délicieuse pour l’âme qui a su goûter ses charmes. Toute âme n’est pas capable de la comprendre et de l’apprécier, car il n’appartient qu’à l’esprit intérieur de nous initier à ses secrets ; or, l’esprit intérieur est celui qui ne juge les choses que dans leur rapport avec Dieu, qui ne se laisse pas éblouir par d’éclatantes vanités ; mais qui, à la clarté divine, sait distinguer le réel de l’apparent ; l’esprit intérieur, en un mot, est celui qui, s’attachant à la volonté suprême, estime grand tout ce qui plaît à Dieu, et n’a que du mépris pour ce qui n’élève pas l’âme jusqu’à lui. On ne saurait comprendre la fécondité de la vie cachée ni les trésors qu’elle renferme. Je conduirai l’âme dans la solitude, dit le Seigneur, et là, je parlerai à son cœur. Dieu ne se manifeste pas au milieu du trouble d’une vie agitée ; mais il se communique sans réserve à l’âme qui s’éloigne du théâtre éclatant du monde, pour s’épanouir en sa présence. »


« Le Juste, sévère à lui-même, et persécuteur irréconciliable de ses propres passions ; se trouve encore persécuté par les injustes passions des autres, et ne peut pas même obtenir que ce monde le laisse en repos dans ce sentier solitaire, où il grimpe plutôt qu’il ne marche. »