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Les femmes, depuis lors, suivent diverses routes ;
Le mariage amer n’est pas le sort de toutes ;
L’Apôtre nous l’a dit : L’homme est libre ici-bas ;
L’Eve qui se marie, elle ne pèche pas ;
Mais elle est comme Marthe, occupée, inquiète ;
Elle sent que la chair sur l’esprit empiète :
Plus heureuse la vierge, en son choix singulier ;
Libre, elle est tout à Dieu, dans l’ordre régulier ;
Elle s’est affranchie, elle a brisé l’entrave ;
D’aucun époux despote elle ne souffre, esclave ;
Un héroïque éclair jaillit de son regard,
Qui comprime la chair et tient l’homme à l’écart ! —
Les plaintes de mes sœurs jusqu’à moi sont venues,
J’ai compté de leurs yeux les larmes répandues,
Je sais tous leurs regrets et leurs remords cuisants,
Et de leurs longs malheurs les récits déchirants !
Ainsi, ferme en mon choix, maîtresse de moi-même,
Voulant fixer mon cœur dans un amour suprême,
Ne rêvant de repos qu’à l’abri du saint-lieu,
Et de bonheur divin que dans un triple vœu,
J’ai pris Dieu pour Époux : Qu’une autre se marie !
Ah ! la meilleure part, c’est celle de Marie !


sylvia.


Et c’est aussi la part dont mon âme fait choix ;
Je prends Dieu pour Époux, et pour sceptre la Croix !
Les chaînes de la terre, enfin mon cœur les brise ;
Et je possède encor ma liberté conquise ! —
Adieu, parents, amis ; ville natale, adieu !
Je vais me reposer dans la maison de Dieu !


antoine calybite.


Ah ! pour fuir sa famille et pour fuir sa patrie
Pour suivre Jésus-Christ, en imitant Marie,
Il faut l’amour céleste, en sa virginité ;
L’amour qui germe et croît dans la mysticité :
Prends ton vol angélique, ô noble fille d’Eve ;
Va dans l’amour divin réaliser ton rêve ;
Va, pour perpétuer la génération
Des épouses du Christ, des filles de Sion ;
Va, dans ta sainte ardeur, pour imiter l’exemple
Des astres dont la gloire illumine le temple ;
Va prendre le linceul, emblème immaculé,
Des pleurs d’un triple vœu par l’amour étoile ;
De tes habits pompeux, orgueil de la nature,
Rejette le vain luxe, en ta sainte vêture ;
Va mourir à la chair, pour renaître à l’esprit ;
Va conquérir un sceptre, en épousant le Christ !
Suis de tant d’autres sœurs les lumineux vestiges,
Empreints dans les déserts éclatants de prodiges ;