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Le mot de charité vous brûle et vous transporte :
Ah ! vous me rappelez la femme vraiment forte !
C’est que la chasteté, ce trésor des trésors,
Fait que l’âme s’embrase et s’élance au dehors ;
Qu’au-dessus des calculs d’un vulgaire égoïsme,
Elle suit un instinct d’angélique héroïsme ;
Que pour combattre et vaincre, elle est prête toujours ;
Et qu’elle a le secret des sublimes amours !
En perdant ce trésor, en cessant d’être chaste,
L’homme perd avec lui l’ardeur enthousiaste ;
Il n’a plus les élans du héros et du saint,
Et sur l’autel souillé le feu sacré s’éteint !…
Ah ! qui peut rendre au cœur l’innocence perdue ?
Lorsqu’à travers le corps l’âme s’est répandue,
Et qu’elle a dans les sens cherché la volupté, —
L’Ange qui la gardait au ciel est remonté !
En de terrestres mains la fleur se décolore,
Et du vase brisé le parfum s’évapore !
La tache du péché ne peut jamais passer ;
Dieu peut la pardonner, mais ne peut l’effacer ! —
Ô chasteté, gardant l’homme pur de la fange,
Tu rapproches de Dieu, tu rends semblable à l’Ange !
Noble enfant de l’Esprit, tu crains, ô chasteté,
Les ornements du corps, sa grâce et sa beauté ;
Du luxe et du repos humble et grave ennemie,
Jamais parmi les fleurs tu ne t’es endormie ;
Des terrestres attraits tu détournes les yeux,
Et tu marches voilée, en implorant les cieux !
Et tel est ton pouvoir, ton divin caractère,
Qu’on t’a voué partout un culte sur la terre ;
Les païens t’adorant, comme une Déité,
Pour couronner ton front, plein de mysticité,
Du frêle agnus-castus cueillaient la verte branche,
Et plaçaient à tes pieds une colombe blanche ;
Et tout grand criminel, sous ton aile abrité,
Trouvait grâce et rentrait dans la société !
 Mais qu’étaient près de vous, humbles vierges chrétiennes
Dans leur temple orgueilleux, les Déités païennes ;
La Sybille, régnant dans l’antre révéré ;
Les Vestales en chœur gardant le feu sacré ? —
 Ô chasteté, c’est toi, qui, domptant la matière,
En transformant le corps, le revêts de lumière !
C’est toi l’échelle d’or, l’aile du pur amour,
Par qui l’homme remonte au céleste séjour !
 Ô chasteté, trésor le plus grand sur la terre,
Lys caché dans notre âme et qu’un seul souffle altère,
Rose, dont le parfum se répand au-dehors,
Éclat intérieur, dont resplendit le corps ;
C’est par toi qu’à nos yeux l’Idéal se révèle ;
Que la lumière à flots sur notre front ruisselle