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une voix mystérieuse.


Oui, poète, l’amour, l’intime sympathie,
C’est l’invincible loi de bonheur et de vie ;
Tout semble encore ému d’un vague souvenir ;
Tout s’appelle, s’attire, et tout cherche à s’unir ;
L’âme, dans son exil, à travers chaque épreuve,
D’un instinctif désir poursuit une âme veuve ;
La goutte d’eau du ciel cherche la goutte d’eau ;
Les fleuves dans la mer vont trouver leur niveau ;
L’étoile dans l’azur rayonne vers l’étoile ;
Et tout gravite autour d’un Soleil qui se voile :
Mais si Dieu s’est voilé, si nul ne peut le voir,
Dans la forme souvent l’œil peut l’apercevoir ;
Par la beauté d’un corps il peut vaincre ton âme,
Et t’élever à lui par l’amour de la femme ;
Ton cœur, avant d’aimer le Dieu qu’il ne voit pas,
Doit subir des amours écloses ici-bas ;
La famille est le temple, où l’âme s’initie
Aux grands secrets du ciel, aux mystères de vie ;
Et la femme, en ce monde, épouse, mère ou sœur,
N’aime que pour te faire aimer le Créateur !

le poète.


Ainsi l’ai-je compris ! et sans cesse mon âme
A poursuivi partout une invisible femme !
Dans les vastes cités, dans les calmes déserts,
Au sein de la patrie, et par delà les mers,
Dans l’exil, dans la foule, et dans la solitude,
Partout je l’ai cherchée avec inquiétude ;
Mais nulle part encor je n’ai pu la trouver :
En l’espérant, hélas ! n’ai-je fait que rêver ?…
Semblable à la colombe, oh ! que n’ai-je des ailes ?
Oh ! que n’ai-je les pieds des agiles gazelles ? —
Mon âme est à l’étroit ! — L’air me pèse ici-bas ! —
J’ai besoin de changer de lieux et de climats !