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Toi, Pierre, dit-il à son deuxième fils, descends à la cave et monte un quart de lard ; et Jacques, — c’était son troisième fils, — cours au grenier et emporte deux quintaux de farine. Vous, la mère et les filles, empochez des patates, faites une bonne provision d’oignons, de sel, de poivre, de linge, etc., etc., et sauvons-nous dans les concessions. Hâtez-vous donc ; n’entendez-vous pas ? Pan ! pan ! pan ! Ô mon Dieu, nous sommes ruinés ! »

On s’empresse d’obéir aux ordres du patriarche. Mais la besogne n’avance pas vite. On sait qu’une personne dominée par la peur recule, au lieu de marcher de l’avant, tout en voulant se sauver au pas de course. On se trouble, on ne trouve rien, on perd la tête, ni plus ni moins. C’est ce qui arriva pour la famille Pierrot. Il fallut deux longues heures pour faire les préparatifs du départ.

Enfin la charrette est chargée, et la mère et les deux filles s’étant juchées sur le baril de lard et les sacs de farine, on se met en marche ; les trois garçons forment l’avant-garde, mais en tremblant. Le père fait les plus grandes recommandations à sa femme et à ses filles de garder le silence le plus strict pour ne pas tomber entre les mains de l’ennemi, — Pierrot savait que les femmes aiment à parler.

La fusillade se continuait toujours sans relâche et paraissait se rapprocher de plus en plus. Les fuyards ne s’avançaient donc qu’avec les plus sages précautions. Mais ils n’ont pas fait deux arpents, que