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Lorsqu’échappé du nord, un peuple conquérant
Embrasa tes vaisseaux, riches dépositaires
Qui t’apportoient du Nil les moissons tributaires !
Ce monstre pâle, blême, et morne en ses fureurs,
Sur le peuple d’abord déploya ses horreurs.
Aux portes des palais où s’endort la molesse,
L’indigent se traînoit ; là, vaincu de foiblesse,
D’une voix presqu’éteinte il demandoit du pain :
Et le riche endurci que menaçoit la faim,
Dans le malheur commun devenu plus barbare
Aux besoins du mourant fermoit sa main avare.
Mais lui-même, à son tour de besoins dévoré,
Poussa des cris plaintifs dans son palais doré.
Que lui servit alors que l’Euphrate et l’Hydaspe
À l’orgueil de son luxe eussent fourni le jaspe ;
Que l’art eût lentement appris à le vêtir
D’un lin plongé trois fois dans la pourpre de Tyr,
À façonner pour lui l’albâtre et le porphyre ;
Que dans ses bras trompeurs la vénale Delphire
Le reçut à prix d’or ; et qu’il s’en crût aimé ?
Au milieu de son faste il mouroit affamé.