Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À travers tous ces rangs de soudards et de reîtres,
Tu m’as rejoint ici ?

Roxane.

Tu m’as rejoint ici ?C’est à cause des lettres !

Christian.

Tu dis ?

Roxane.

Tu dis ?Tant pis pour vous si je cours ces dangers !
Ce sont vos lettres qui m’ont grisée ! Ah ! songez
Combien depuis un mois vous m’en avez écrites,
Et plus belles toujours !

Christian.

Et plus belles toujours !Quoi ! pour quelques petites
lettres d’amour…

Roxane.

lettres d’amour…Tais-toi !… Tu ne peux pas savoir !
Mon Dieu, je t’adorais, c’est vrai, depuis qu’un soir,
D’une voix que je t’ignorais, sous ma fenêtre,
Ton âme commença de se faire connaître…
Eh bien ! tes lettres, c’est, vois-tu, depuis un mois,
Comme si tout le temps, je l’entendais, ta voix
De ce soir-là, si tendre, et qui vous enveloppe !
Tant pis pour toi, j’accours. La sage Pénélope
Ne fût pas demeurée à broder sous son toit,
Si le Seigneur Ulysse eût écrit comme toi,
Mais pour le joindre, elle eût, aussi folle qu’Hélène,
Envoyé promener ses pelotons de laine !…

Christian.

Mais…

Roxane.

Mais…Je lisais, je relisais, je défaillais,
J’étais à toi. Chacun de ces petits feuillets
Était comme un pétale envolé de ton âme.
On sent à chaque mot de ces lettres de flamme
L’amour puissant, sincère…

Christian.

L’amour puissant, sincère…Ah ! sincère et puissant ?
Cela se sent, Roxane ?…