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L’inconnue mystérieuse


J’admirai cette jolie silhouette dans l’argenture du grand clair de lune. Comme nous étions loin l’un de l’autre ! Avec elle se levaient tous les poèmes de l’humanité, de la Sulamite à la fille du Cygne, d’Ophélie à Chimène. La solitude redoutable, dont j’ignorais même le nom, se peuplait, grâce à cette petite Mauresque, de rêves, d’espérances, de tendresse, de la plus fine émotion. Et elle m’était plus inconnue encore que la solitude ! De sa face, j’apercevais tout juste les fanaux noirs des yeux, et une bande étroite de traits entre les sourcils et la narine. Je cherchais à me représenter le reste ; je me disais que, si même elle avait des lèvres lourdes, un front trop bas, ses yeux auraient tout sauvé — mais j’aurais été déçu : mon imagination traçait des joues aux inflexions nobles, une petite bouche