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de coquelicot plus rouge que ses lèvres. Façonné au hasard, par un sculpteur rude et négligent, sans courbes harmonieuses, sans contours rythmiques, son visage se rattrape par une clarté de camélia ou de pivoine blanche. Tous les poilus l’ont dans la peau. Le désir sourd à travers l’étoffe pourrie des uniformes et le linge plus rance que du vieux beurre. Elle se garde. Elle use habilement du rire qui déconcerte ou de l’indignation froide qui crée la distance. Mais elle sait aussi amorcer le poisson.

C’est autour d’elle que Georges dispose ses rêves. Elle répand à petites poignées la graine d’espérance ; elle se rapproche puis s’éloigne. Sa tactique n’est pas complexe mais suffisante. Le jeune homme est déjà gorgé de souvenirs. Il souffre d’une jalousie rude comme les soldats, pénétrante comme