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voulait bien cesser de leur faire une guerre aussi sanglante, et dont les résultats dépassaient de beaucoup ses besoins. Le seigneur lion avait accepté la proposition, et la promesse de la gent animale avait été ponctuellement tenue, lorsqu’enfin le jour d’être mangé vint pour un vieux lièvre, intelligent, rusé et persuadé que l’on n’obéit à celui que l’on craint que parce qu’on tient à la vie, et que, si l’on doit mourir, il importe peu de montrer de la soumission. Sur ce, notre lièvre s’en va, à pas lents, vers le lion, qui, affamé, lui dit avec colère : « Pourquoi viens-tu si tard ? — Ce n’est pas ma faute, répondit le lièvre ; j’ai été arrêté en chemin et retenu de force par un autre lion. — Viens vite me montrer où est ce coquin-là ! » dit le lion au ventre creux à ce pauvre lièvre destiné à le remplir. Ce dernier obéit et conduit le seigneur des animaux auprès d’un puits très-profond, dans l’eau duquel il vit son image ; aussitôt, enflé de courroux, il s’élance vers le concurrent qu’il vient de reconnaître, et délivre, en mourant ainsi, le lièvre intelligent qui allait devenir sa pâture. »

Revenons à nos moutons, ou plutôt, avec l’Hitopadésa, à nos corbeaux. « La femelle, enthousiasmée de ce qu’elle vient d’entendre, prie son mari de lui expliquer comment il compte profiter de cet exemple. Or voici la réponse du corbeau :

« Tous les jours, le fils du roi vient se baigner dans l’étang voisin, et, lorsqu’il prend son bain, il ôte sa chaîne d’or et la dépose sur une pierre au bord de l’étang. Tu prendras cette chaîne dans ton bec et tu l’apporteras dans le creux de cet arbre. » — Un jour que