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mains tremblantes, et quand l’un d’eux — le vieux Jehin que vous avez tous connu — quand il levait son absinthe… son regard ! Car ce n’est pas une absinthe qu’on prend… ça va au fond, rejoindre mille, dix mille absinthes bues dans une vie, ça va faire revivre la vieille liqueur, morte et sinistre tant qu’on est à jeun, mais qui s’éveille, qui crée une autre existence, un autre monde dès qu’on boit ; qui fait remonter dix, vingt années dans le cerveau des gens qui ne vivent plus de sang, mais qui vivent de poison, qui sont des cadavres jusqu’à l’heure du poison !…

De grandes lampes vinrent, dissipant le recueillement et l’ombre, la conversation divergea sur le mouvement littéraire, l’esprit de pédanterie et de brume allemande de la jeunesse contemporaine.

— L’extraordinaire de cette génération, c’est tous ces jeunes gens qui commencent par la critique, des critiques de dix-huit, vingt ans, un débordement d’impuissance