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VICTOIRE DES CONFÉDÉRÉS À MORGARTEN

rial pris en dehors de la famille d’Autriche. C’était rompre tout lien entre les Waldstætten et cette maison.

Après Henri, deux princes se disputèrent le trône impérial : Louis de Bavière et Frédéric le Beau, duc d’Autriche, l’aîné des fils d’Albert. La guerre éclata entre les deux rivaux. Les Morgenstern.
Fig. 72. Morgenstern.
Waldstætten prirent parti pour Louis de Bavière. D’autre part, les Schwytzois étaient de nouveau en lutte avec l’abbaye d’Einsiedeln que protégeait la maison d’Autriche. Frédéric le Beau résolut de réduire les Waldstætten par la force et chargea son frère, le duc Léopold, de diriger contre eux une expédition militaire.

C’était en 1315. Des deux côtés, on se prépara à la guerre. Le duc Léopold réunit à Zoug une brillante armée ; les chevaliers se croyaient tellement sûrs de la victoire qu’ils s’étaient munis de grosses cordes pour ramener le bétail enlevé. D’autres troupes autrichiennes devaient attaquer l’Unterwald. Les Confédérés avaient construit des retranchements barrant les routes venant du nord et du nord-est et conduisant à Schwytz. On raconte que le chevalier Henri de Hunenberg avait prévenu les Suisses en leur lançant une flèche avec un billet leur disant : « Gardez-vous au Morgarten. » Mais le fait n’est pas certain.

Le 15 novembre 1315, l’armée de Léopold s’avance le long du lac d’Aegeri (fig. 71). La route passe par un défilé que dominent les hauteurs du Morgarten[1]. Les Confédérés, au nombre de 1 300 à 1 500, postés sur les pentes et dissimulés dans les sapins, suivent des yeux les mouvements de l’armée. Tout à coup des blocs de rochers et des troncs d’arbres, lancés par les montagnards, roulent sur les cavaliers et jettent le désordre dans leurs rangs[2]. Puis les Confédérés, armés du morgenstern, massue garnie de pointes, et de la terrible hallebarde, se précipitent comme une avalanche, en poussant de grands cris. C’est moins un combat qu’un massacre. Les chevaliers embarrassés de leurs armures et ne pouvant se déployer sont pris comme dans un filet. Nombreux sont ceux qui tombent sous les coups des montagnards ou qui périssent noyés dans le lac. Les autres s’enfuient et parmi eux le duc Léopold. La bataille finie, les Confédérés se mettent à genoux pour remercier Dieu. Plus tard, une chapelle fut élevée pour rappeler le souvenir de cette victoire des paysans sur les nobles orgueilleux.

Chapelle de Morgarten.

Fig. 73. — Chapelle de Morgarten.


Le comte Otto de Strassberg avait envahi l’Unterwald, par le Brunig, à la tête de troupes autrichiennes. À la nouvelle de la défaite du duc Léopold, il se retira précipitamment.

3. Le pacte de Brunnen. — Trois semaines après la bataille de Morgarten, le 9 décembre 1315, les représentants des Waldstætten jurèrent un nouveau pacte, à Brunnen ; cette alliance renforça celle de 1291 et rendit plus complète l’union des pays d’Uri, de Schwytz et d’Unterwald. L’année suivante, l’empereur Louis de Bavière[3] confirma à nouveau leurs franchises. Les ducs d’Autriche refusèrent d’accepter cette décision, mais finale-

  1. Le Morgarten est un petit chaînon montagneux, en grande partie couvert de prairies, qui domine de 500 mètres environ le lac d’Aegeri.
  2. On a attribue cette grêle de pierres à des bannis des Waldstætten, qui auraient cherché ainsi à mériter leur grâce ; il est beaucoup plus probable que cette première attaque faisait partie du plan de combat.
  3. La lutte continua pendant plusieurs années entre Louis de Bavière et Frédéric le Beau ; elle se termina par la défaite de ce dernier en 1322.