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Ardant, pressant, noüant mon amitié,
Occise aux piés de ma fière moitié
Font par sa mort ma vie estre meilleure.

Œil, main, & crin, qui flamés, & gennés,
Et r’enlassés mon cœur, que vous tenés
Au labyrint de vostre crespe voïe.

Hé que ne suis je Ovide bien disant !
Œil tu serois un bel Astre luisant,
Main un beau lis, crin un beau ret de soie.

MURET.

Par un destin.) Il dit, que trois choses sont enfermées dans fon cœur, lesquelles l’ont fait mourir: c’est a savoir, l’œil , la main , & le crin, c’est a dire la chevelure de la dame. Et que s’il avoit aussi bon esprit qu’Ouide, il changeroit l’œil en un astre, la main en un lis , & le poil en un ret de soie. Ce Sonnet est de ceus, qu’on appelle au jourd’hui rapportés. Les anciens appeloient cette figure, Paria paribus reddita. La serre.) mot de fauconnerie. Occise aus piés.) L’ordre des paroles est un peu troublé: & les faut ainsi ordonner, L’œil, la main, & le crin, font ma vie, qui est occise aus piés de ma fiere moitié, c’est a dire de ma trop-rigoureuse dame, estre meilleure par sa mort. Il veut dire que son esprit l’a laisse pour suivre là dame, & par ainsi qu’il est ja mort (car la mort n’est autre chose que separation du cors & de l'esprit) mais qu’une telle mort rend sa vie meilleure & plus heureuse. Les Platoniques disent, que l’amant ne vit pas en soi, mais en la persone qu’il aime. De ma fiere moitié.) Cela aussi est pris de Platon, dans un dialogue duquel, qui se nomme Le banquet, ou de l’Amour, Aristophane raconte que les hommes etoient au commancement doubles, mais que Juppiter apres les partist par le millieu: & que depuis un chacun cherche sa moitié. De la dit il que