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Mais que me ſert d’auoir tant leu Catulle,
Ouide, & Galle, & Properse, & Tibulle,
Auoir tant veu Petrarche & tant noté,
Si, par un Roi le pouuoir m’est osté
De les enſuiure, & ſi faut que ma lyre
Pendüe au croc ne m’oſe plus rien dire.

Donques en vain ie me paißois d’espoir,
De faire un iour à la Thuſcane voir
Que nôtre France autant qu’elle eſt heureuſe
A ſouspirer une pleinte amoureuse:
Et pour montrer qu’on la peut ſurpaſſer,
I’auoi deſia commancé de traſſer
Mainte Elegie a la façon antique,
Mainte belle Ode, & mainte Bucolique.

Car, a vrai dire, encore mon esprit
N’eſt ſatisfait de ceus qui ont ecrit
En nôtre langue, & leur amour merite
On du tout rien, ou faueur bien petite.

Non que ie ſoi vanteur ſi glorieus
D’oſer paſſer les vers laborieus
De tant d’amans qui ſe pleignent en France:
Mais pour le moins i’auois bien esperance
Que ſi mes vers ne marchoient les premiers,
Qu’il ne ſeroient ſans honneur, les derniers.
Car Eraton qui les amours decœuure,
D’aßés bon œil m’atiroit a ſon œuure.

L’un trop enflé les chante groſſement,
L’un enerué les traine baſſement,
L’un nous despaint une amie paillarde,
L’un plus aus vers qu’aus ſentences regarde