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CONTINUA. DES AMOURS

Avecques tous ceus-cy, participant ensemble
De tous (car un pour toi sufisant ne me semble)
Et d’homme seras fait un beau monstre nouveau
De voix, Cigne, cigalle, & de mouche, et d’oyseau.


E, n’esse, mon Paquier, é n’esse pas grand cas !
Bien que le corps party de tant de membres j’aye,
De muscles, nerfs, tendons, de pommons, & de faye,
De mains, de pieds, de flancs, de jambes & de bras,
Qu’Amour les laisse en paix, et ne les navre pas,
Et que luy pour son but, opiniatre, essaye
De faire dans mon cœur toujours toujours la playe,
Sans que jamais il vise ou plus hault, ou plus bas !
S’il estoit un enfant (comme on dit) aveuglé,
Son coup ne seroit point si seur ne si reiglé :
Vrayment il ne l’est pas, car ses traits à tout-heure
Ne se viendroient ficher au cœur en mesme lieu.
Armerai-je le mien ? non, car des traits d’un Dieu
Il me plaist bien mourir, puis qu’il fault que je meure.


Marie, qui voudroit vostre beau nom tourner,
Il trouveroit Aimer : aimez-moi donq, Marie,
Faites cela vers moi dont vostre nom vous prie,
Vostre amour ne se peut en meilleur lieu donner :
S’il vous plaist pour jamais un plaisir demener,
Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
Penduz l’un l’autre au col, & jamais nulle envie