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CONTINUA. DES AMOURS

Et lors comme hardi, je vesti le harnois,
Pour avoir contre luy ma peau mieus asseurée.
Il me tira premier une fleche asserée
Droict au cœur, puis une autre, & puis tout à la fois
Il decocha sur moi les traicts de son carquois :
Sans qu’il eust d’un seul coup ma poictrine enferrée.
Mais quand il vit son arc de fleches desarmé,
Tout dépit s’est lui-mesme en fleche transformé,
Puis se rua dans moi d’une puissance extreme :
Quand je me vi vaincu, je me desarmé lors :
Car, las ! que m’eust servi de m’armer par dehors,
Ayant mon ennemi caché dedans moimesme ?


Ce pendant que tu vois le superbe rivage
De la riviere Tusque, & le mont Palatin,
Et que l’air des Latins, te fait parler latin,
Changeant à l’étranger ton naturel langage,
Une fille d’Anjou me detient en servage,
A laquelle baisant maintenant le tetin,
Et maintenant les yeux endormis au matin,
Je vy (comme lon dit) trop plus heureus que sage.
Tu diras à Maigni, lisant ces vers ici,
Et, quoi ! Ronsard est donq encores amoureus ?
Mon Bellay, je le suis, & le veus estre aussi,
Et ne veus confesser qu’Amour soit malheureus,
Ou si c’est un malheur, baste, je delibere